[1]La semaine dernière, l’Assemblée nationale a créé une surtaxe de séjour spécifique à l’Île-de-France d’un montant de 2€ par personne et par nuitée.
Elle a, d’autre part, quintuplé le plafond de la taxe de séjour en le portant de 1,5€ à 8€ au niveau national.
Le principe de ces deux amendements comme leurs modalités n’ont fait l’objet d’aucune information préalable ni d’aucune concertation avec les professionnels concernés.
Ils ont été votés à peine plus de 24h après leur présentation et surviennent moins d’une semaine après la clôture de Assises du tourisme et les ouvertures intéressantes auxquelles elle a donné lieu.
Le produit de la première mesure est estimé à 140M€ ; l’impact de la seconde, suivant l’application qu’en feraient les conseils municipaux concernés, peut être évalué entre 330 et 865 M€. soit un total compris entre 470M€ et un peu plus d’un milliard d’euros chaque année, (entre 2,2 % et 5,2 % du chiffre d’affaires de l’ensemble des hébergements touristiques), alors même que la taxe de séjour pèse déjà pour plus de 200M€ dans leurs charges et que la TVA a augmenté de trois point au premier janvier dernier.
Or, le tourisme constitue l’un des principaux piliers de notre économie.
Il représente plus de 7 % du PIB de la France (dont près d’un tiers apporté par les touristes étrangers), 2,2 millions d’emplois directs et indirects (soit 7 % de la main d’œuvre salariée) et constitue le premier poste de notre balance des paiements.
Il est toutefois confronté à une concurrence de plus en plus vive car le nombre de destinations et leur poids ne cessent de croître au niveau mondial.
Dans cette compétition pour laquelle nos principaux concurrents se sont méthodiquement préparés depuis des années, la France perd du terrain depuis plus de dix ans au point qu’elle est aujourd’hui confrontée à de sérieux défis :
– Ses parts de marché se dégradent, tant au niveau mondial qu’au niveau européen et, surtout, au sein de l’ensemble qu’elle forme dans la zone Euro avec l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne. Ainsi, pour 100 touristes étrangers reçus en 2000, la France en reçoit aujourd’hui 108, l’Espagne 127 et l’Allemagne 160.
Pour 100€ gagnés du tourisme international en 2000, la France en gagne aujourd’hui 117, l’Espagne 134 et l’Allemagne 147.
Durant la décennie 2002-2012, le rythme d’évolution des volumes de touristes accueillis place la France au 48ème
rang sur les cinquante premiers pays touristiques et au 44ème rang pour ce qui concerne ses recettes ;
– sa recette unitaire est nettement distancée par d’autres leaders (Etats-Unis, Espagne, Allemagne) et n’est que la 45ème parmi les cinquante premières destinations mondiales ;
– l’évolution du tourisme domestique a été trois fois négative en volume durant les quatre dernières années ;
– les investissements sont en retrait depuis plusieurs années (moins 20 % en euro constant depuis 2009) alors les investissements mondiaux dans notre secteur connaissent une croissance à deux chiffres.
Dans ce contexte, le surcroît de charges qui résulterait aurait quatre types d’impacts :- compte-tenu du contexte concurrentiel, il est inenvisageable d’en répercuter le coûts sur les prix de vente des hébergements. Ce sont donc les marges des entreprises et leur capacité à financer leurs investissements pour préparer l’avenir qui seraient impactées, alors même que la France se trouve en déficit d’hébergements touristiques et doit en rénover une part substantielle ;
– pour les entreprises ou les établissements qui tenteraient de répercuter ces taxes sur leurs tarifs, leur compétitivité serait atteinte, particulièrement l’hôtellerie économique qui héberge des familles modestes ainsi que les clientèles chinoises (une cible prioritaires pour le tourisme français).
– Alors que les hébergements ne représentent que 18 % des recettes touristiques de la France, l’ampleur et la brutalité de ces prélèvements ainsi que le message négatif envoyé à nos clientèles étrangères se répercuterait inévitablement sur les autres segments de la chaîne de valeur du tourisme : restauration, transports, shopping,
parcs de loisirs, culture, activités sportives…
– Au total, l’emploi dans notre secteur serait affecté, les établissements concernés étant conduits à resserrer leurs effectifs, ou à s’installer dans une position d’attente en matière d’embauche.
On nous indique que la « surtaxe Ile-de France » est destinée à financer des investissements dans les transports urbains. Nous notons à cet égard que la loi a, depuis plus de trente ans, confié cette mission aux régions.
Dans aucun autre pays au monde, l’incapacité d’une collectivité à financer ses transports n’est transféré aux entreprises du tourisme.
Frédéric Pierret,
Entreprendre en France pour le tourisme,
Alliance 46.2