A vrai dire, il ne fallait pas attendre grand-chose des fameuses Assises du Transport Aérien lancées à grands sons de trompes l’année dernière. Celles-ci devaient démarrer au printemps 2018 de manière à rendre les conclusions au mois de septembre. Nous y sommes et c’est le moment d’apprendre, sans grande surprise d’ailleurs, que les résultats ne seront dévoilés que dans le courant du dernier trimestre, il faut donc lire avant la fin de l’année, c’est-à-dire en décembre.
Pourquoi donc ce retard ? Est-ce à dire que les animateurs des groupes de travail n’auraient pas bien travaillé ? Ou plus vraisemblablement que, finalement, le Gouvernement ne se sent pas trop concerné. Il se murmure que le délai serait dû au changement de direction chez Air France et que nos
dirigeants attendent d’abord les grandes orientations que Benjamin Smith va engager.
Mais tout de même, la décision de nommer un nouveau patron au groupe Air France/KLM date de la mi-mai et à cette époque les conclusions des Assises devaient être rendues en juillet. Sauf que le remplacement de Jean Marc Janaillac était prévu début juillet et que l’affaire a beaucoup traîné.
Alors on peut se demander si cette excuse est la bonne, car à ce que je sache, Air France, qui est la seule société du groupe Air France/KLM concernée par les Assises, a toujours un président en la personne de Franck Terner. Il doit alors y avoir d’autres raisons.
Et ces dernières ne sont pas difficiles à imaginer. Elles doivent tenir aux arbitrages économiques et financiers faits par les ministères de l’Economie et des Comptes Publics. Il clair il n’y a plus d’argent à distribuer et par conséquent les recommandations des Assises resteront, pour l’essentiel, lettre
morte.
Les maux du transport aérien français sont bien connus. Trop de charges pèsent sur les transporteurs par rapport à leurs concurrents européens et opérateurs du Golfe. Celles-ci, comme des boulets aux pieds, empêchent les compagnies françaises de lutter à armes égales avec leurs compétiteurs.
Le marché français est dynamique mais les bénéficiaires de cette croissance sont les transporteurs étrangers. Ceux-ci sont capables de gagner de l’argent là où les français en perdent. Voilà qui est particulièrement vrai pour ce qui concerne le réseau régional qui est quasiment passé intégralement
dans les mains d’EasyJet ou de Volotea.
Mais voilà ce qui risque également d’arriver au réseau long-courrier. Combien de temps encore les compagnies françaises pourront-elles résister à l’offensive du groupe IAG surtout si celui-ci réussit à racheter Norwegian et sa commande de Boeings 787 parfaitement aptes à traiter le marché transatlantique ? Sauf, bien entendu, si le Brexit freine finalement les appétits du groupe britannique en Europe.
Soyons clairs, le transport aérien n’est pas jugé stratégique par le Gouvernement Français. Comment expliquer autrement les dessertes terrestres désastreuses des deux grandes plateformes parisiennes ? Comment justifier des taxes inconnues dans le même secteur d’activité telles que la taxe dite « Chirac » ? Comment ne pas aligner les charges salariales sur les pays directement concurrents pourtant peu réputés pour la modestie de leurs coûts, je pense aux Pays Bas et à l’Allemagne ? Comment accepter un contrôle aérien affaibli technologiquement et miné par les grèves ?
Bref, on pourrait multiplier les exemples où la défaillance ne vient pas des transporteurs, même s’ils doivent encore s’améliorer, mais bien des Pouvoirs Publics. Imagine-t-on une situation semblable dans les pays du Golfe ? Pourquoi et sur quelles bases dénoncer les avantages dont bénéficient les concurrents alors qu’il ne tient qu’aux Pouvoirs Publics français d’accorder les mêmes à leurs transporteurs ?
Seulement le transport aérien est devenu une des vaches à lait du Gouvernement et les fonctionnaires de Bercy n’ont aucune envie de se priver du bon argent que le transport aérien lui rapporte. Voilà sans doute pourquoi les conclusions des Assises du Transport Aérien, accoucheront d’une souris. Cela était prévisible.
Allez, pour comme on dit « marquer le coup », la taxe « Chirac » risque de disparaître. Mais cela ne changera rien au fond de l’affaire.
Si l’on veut un transport aérien compétitif, il faut arrêter de le mettre en surcharge et il faut lui donner les moyens de se développer.
Le Roissy Express, annoncé au départ pour 2011, alors qu’il aurait dû être mis en place à l’ouverture de cet aéroport, c’est-à-dire en 1971, ne verra pas le jour avant encore 5 ou 6 ans. Orly n’est toujours pas desservi par le train alors que dès 1961, les constructeurs d’Orly Sud l’ont livré avec une gare à
l’intérieur de l’aérogare. L’emplacement existe toujours.
En fait en France, seul le transport terrestre et particulièrement ferroviaire est jugé stratégique. Tous les arbitrages ont été faits dans ce sens.
Alors, que les Gouvernements ne se plaignent pas de la perte régulière de la part du pavillon français dans le marché national. C’est d’abord de leur responsabilité et de leur faute.
Les Assises du Transport Aérien avaient suscité un grand espoir auprès des dirigeants des compagnies françaises. Ils seront certainement déçus, mais seront-ils surpris ?
Jean-Louis Baroux